Le gouvernement peut-il vraiment interdire les hôtels réservés aux adultes ?

Publié par Julie Baranton
le 5/06/2025
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4 minutes
cropped shot of tourist woman pulling her luggage to her hotel bedroom after check-in
C’est la tendance de 2025. Les vacances “sans enfant” sont prisées par de plus en plus de familles, histoire de se retrouver avec son partenaire, mais aussi de bénéficier de la quiétude sous-entendue dans le mot "vacances". Seulement, une table ronde des acteurs du secteur s’est déroulée il y a quelques jours. Est-ce déjà la fin des offres “adults only” ?

Voilà une offre alléchante : des vacances bien méritées, sans problème, sans enfants… Oui, vous avez bien lu ! Sans enfants ! C’est sur ce concept que surfent de plus en plus d’hôtels ou de résidences de vacances pour vendre, à prix (encore plus déraisonnables), leurs séjours. La tendance fonctionne, elle porte même un nom typiquement franglish : le “adults only”.

Seulement, si le plaisir de se retrouver quelques jours sans enfants paraît alléchant, ces offres commerciales posent de véritables problèmes éthiques, au point que plusieurs professionnels du secteur, à l’instar d’Airbnb, la FNHPA (Fédération nationale de l’hôtellerie de plein air), l’Umih (Union des métiers et des industries de l’hôtellerie), la FNTV (Fédération nationale des transports de voyageurs) et l’UNPLV (Union nationale pour la promotion de la location de vacances), se sont réunis pour une table ronde le 27 mai dernier. Une information confirmée par Le Figaro.

Les hôtels interdits aux enfants : en quoi cela pose-t-il problème ?

La première question que soulève cette mode des hôtels adults only, concerne les enfants. Si vous partez deux jours, une semaine, quinze jours : où sont donc vos enfants ? C’est justement l’interrogation de Sarah El Haïri, haut-commissaire à l’Enfance. Il s’agit, selon elle, d’une mode “brutale”. Elle s’oppose aux hôtels adults only, puisqu’elle ne souhaite “pas laisser s’installer ce modèle en France” et entend porter ce débat au cœur de la législation française.

Les hôtels adults only : une histoire des années 70

Le combat s’annonce d’ores et déjà difficile, puisque la tendance s’est implantée dès les années 1970, dans la vague de décontraction dix ans après le mouvement hippie. Les États-Unis et les Caraïbes sont les premiers à tester cette offre commerciale, suivis plus récemment (il y a une dizaine d’années seulement) par l’Espagne, puis l’Hexagone.

Le syndicat professionnel EDV (Les Entreprises du Voyage) recense 17 000 établissements en France de ce type. Une offre encore relativement restreinte, mais qui fait suffisamment parler d’elle pour envisager une loi interdisant les hôtels sans enfants. D’autant plus que ces offres trouvent toujours leur public, en témoigne un auditeur d’Europe 1 :

“Très concrètement, ça veut dire que quand vous êtes au bord de la piscine, vous pouvez lire un livre tranquillement et vous n'avez pas de risque d'avoir des éclaboussures d'enfants qui jouent. On a compris assez rapidement que c'était plutôt un gage de tranquillité qu'un frein pour nous, qui n'avons pas d'enfant.”

Les hôtels adults only : que dit la loi ?

Si l’idée d’interdire ces offres d’hôtels réservées aux adultes séduit certains, créer une loi pour les interdire pourrait être un véritable parcours du combattant. Car rien, sur le territoire français, n’interdit à ce jour de refuser un enfant dans un restaurant ou un hôtel.

C’est ce flou juridique que Sarah El Haïri veut clarifier, en s’appuyant sur un article du Code pénal : l’article 225-1, dont les dispositions stipulent que :

“Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement de leur origine, de leur sexe, (...) de leur âge (...)”.

Si aucune loi ne protège concrètement les enfants face à ces offres touristiques, il est pourtant interdit de discriminer une personne en raison de son âge. Une béquille juridique pour les partisans de l’interdiction des hôtels adults only. Une sénatrice s’est d’ailleurs engagée en déposant une proposition de loi visant à interdire la discrimination à l’encontre des personnes mineures.

Interdiction ou chiffre d’affaires : la France a-t-elle tout à y gagner, ou tout à perdre ?

À peine le projet de loi annoncé, plusieurs professionnels du tourisme s’insurgeaient déjà contre cette idée. Car s’il est question de lutter contre la discrimination et de défendre certaines valeurs, il est aussi question d’un enjeu économique majeur : le chiffre d’affaires du secteur touristique.

Car l’épargne française fait grise mine, et tire sur la corde en augmentant taxes et impôts des particuliers et professionnels pour combler un déficit toujours plus important. Exemple avec quelques chiffres donnés par nos confrères de Marie-Claire : 56 % des séjours du Club Med concernent les offres adults only ou “no kids”, selon Sébastien Portes, vice-président du Club Med.

Les enjeux monétaires de cette interdiction sont au cœur du débat, car si l’offre no kids se perd, le manque à gagner sera d’autant plus important. La question est donc : faut-il interdire aux mineurs l’accès à ces sites de repos, plébiscités par de nombreux Français et bénéfiques au secteur du tourisme, ou faut-il, au contraire, interdire les hôtels adults only avec une loi protégeant la discrimination sur les mineurs ?

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